H. B. Guffroys Brief an den sächsischen König (Original)


Au Roi de Saxe.

Sire

Un jeune Saxon avait remporté le premier prix de peinture à l'Accadémie de Dresde, il devait achever ses études à Rome, mais avant de s'y rendre, il obtint la faveur de venir à Paris visiter les chefs d'oeuvre que possédait le Musée. Il vint: son caractére le fit aimer; ses talens allaient assurer sa réputation, mais Rome et l'Italie l'appelaient. Conduit par l'étude, il croyait y trouver la gloire; un sort bien différent l'attendait: il partit, salua la terre classique des beaux arts et mourut. Ce jeune Saxon se nommait Gareis, Sire; Votre Majesté daignera donner des regrêts à sa mémoire, car il aurait honoré son pays. La funeste destineé de Gareis avait rempli de tristesse les amis qu'il laissait à Paris; c'est auprès d'eux que j'appréciai ses travaux, ses succès et le malheur de sa perte. J'appris à connaître ses qualités dans leur conversation, et son mérite dans ses ouvrages: il en avait laissé plusieurs entre leur mains. Le style de ses ouvrages, son talent naïf, ses compositions remplies de grace, et l'ingénieuse facilité de son crayon, tout révélait un peintre né pour illustrer son Ecole et pour marquer sa place parmi les plus célèbres artistes. Cette place, me suis-je dit, restera-t-elle déserte? Gareis qui devait l'occuper n'y pourra-t-il laisser dumoins un souvenir? à l'aide d'un art nouveau fixons et multiplions ces pensées légères, ces esquisses rapides, fruit d'une imagination riante et féconde. Sans doute ces traits fugitifs, affaiblis peut-être encore par la Lithographie n'offriront qu'une idée bien imparfaite du génie de Gareis; mais, si je ne me trompe, il sera facile d'y retrouver encore l'espoir d'un beau talent et les premiers traits d'un grand maître. Sire, je vous devais le premier hommage de cet essai; je remporte en quelque façon vers Votre Majesté un tribut que Gareis eut été glorieux d'acquitter; la reconnaisance du sujet, et le génie du peintre, auraient dignement célébré un Souverain qui aime et qui protège les arts. Sire, je vais remplir un des voeux les plus chers du jeune Peintre Saxon en vous offrant cet ouvrage. si Votre Majesté l'agrée, tout l'honneur en rejaillira sur Gareis, c'est mon plus grand désire: avoir attiré sur lui les regards de Votre Majesté sera ma récompense. j'ai voulu seulement déposer une Couronne sur le tombeau de Gareis.

Je suis avec le plus profond respect,

Sire,
de Votre Majesté,
Le très-humble et très obéissant serviteur
H. B. Guffroy
Chef de Battaillon au Corps Royal d'Etat-Major

Paris le 8 Mai 1820


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